Blog de Moudjahed

Oranie profonde

8
juil 2011
temoignages (Année 2001.)

 

Année 2001.

 

(suite et fin des témoignages de 1962 à 2001 .)

Témoignage du père de GUERMAH Mohamed Massinissa dit Moumouh (20 ans) de Béni Douala (W. de Tizi-Ouzou), mort suite à des blessures par balles dans la brigade de gendarmerie. (18)
” Ce jour-là, le 18 avril 2001, mon fils était en train d’étudier à la maison. Il était descendu prendre un peu d’air. Il avait un sujet de math dans la poche de son pantalon (Massinissa était lycéen en classe de terminale). Arrivé en bas de l’immeuble, deux gendarmes en civil et un chauffeur se sont approchés dans une voiture banalisée. Ils l’ont pris avec une rare brusquerie. Ils l’ont kidnappé. Les témoins du quartier les ont vus le tabasser à coup de poing, de pied et de crosse, avant de l’emmener dans le coffre de leur voiture.
J’imagine ce qu’ils ont pu lui faire dans leur véhicule pendant le trajet qui les a menés à la brigade de gendarmerie. En arrivant, mon fils ne pouvait pas tenir sur ses pieds. Il a été soutenu par deux gendarmes pour y entrer.
À peine cinq minutes après, une rafale retentit. Ils lui ont criblé les deux jambes de balles. Deux autres témoins parlent de deux rafales. Un gendarme a également été blessé ce jour-là.

Pour moi, il s’agit d’un assassinat volontaire. Ils se sont acharnés contre lui dès le début. Il a été évacué vers la clinique dans un véhicule civil. Il avait perdu beaucoup de sang déjà. Les médecins n’ont pas pu faire grand chose pour mon fils. Il a été transféré vers l’hôpital de Tizi-Ouzou, puis vers l’hôpital Mustapha à Alger. Le lendemain, j’ai été le voir, il était mourant. Il avait 5 à 6 de tension artérielle. À chaque fois qu’il se réveillait, il me demandait s’il allait perdre ses pieds. Il a succombé à ses blessures le matin du vendredi 20 avril.

En tuant Moumouh, ils m’ont tué. Ils m’ont brisé toute ma vie et celle de ma famille. Il a laissé un immense vide à la maison. Sa mère est comme une folle. Mon fils voulait vivre… (le père commence à pleurer – ndlr).
J’ai demandé que l’on pratique une autopsie du corps de mon fils. J’attends toujours les résultats. “

_________________________

Année 2001.
Révolte à Tizi-Ouzou. Assassinat le 28 avril d’une citoyenne, Mme AÏT ABBA Nadia (33 ans), de Aïn El-Hammam, enseignante de langue arabe. Elle a été mortellement blessée, à l’intérieur d’une chambre, par deux balles au-dessous de l’épaule droite et au poignet droit. Témoignage de son beau-frère. (18)

” Ma belle sœur a été blessée mortellement, le 28 avril, alors qu’elle se trouvait chez sa collègue, une voisine qui habite au 5e étage. Les gendarmes tiraient dans tous les sens, même en direction des fenêtres des immeubles. On a entendu crier : “Vous avez atteint une dame !”. Nous sommes accourus pour la secourir et l’emmener vers le secteur sanitaire. À défaut d’un brancard, nous l’avons transportée dans une couverture portée par six jeunes. Une fois dehors, les gendarmes n’ont pas hésité à tirer en notre direction. Un des jeunes qui aidaient à la secourir, NAÏT AMARA Omar (26 ans), a été abattu.

Ce n’était pas fini car une fois la nuit tombée, les gendarmes sont entrés dans l’école où la défunte enseignait, ont saccagé plusieurs classes et inscrit sur son tablier “Vive la gendarmerie, à bas tamazight”. “
Extraits du certificat médical descriptif :
” … À l’arrivée à 13h30mn, la malade était en état de choc avancé avec tension artérielle imprenable et pâleur importante. Elle présente une plaie paravertébrale droite saignante abondamment de trois (03) cm de diamètre déchiqueté et un orifice de sortie à la face antérieure et supérieure de l’hémithorax droit large de huit (08) cm de diamètre déchiqueté très saignante. Par ailleurs, on trouve un autre orifice d’entrée au niveau de la face antérieure du poignet et un orifice de sortie à sa face postérieure large de deux (02) cm de diamètre avec une fracture comminutive et déformation du poignet. La malade a nécessité une réanimation intensive avec massage cardiaque externe pendant vingt (20) mn mais elle décède suite à ses blessures.
Fait à Aïn El-Hammam le 28 avril 2001.

———————————-

Année 2001 :
Témoignage de M. Djamal Roknia, demeurant à Khenchela au sujet des faits qui se sont déroulés entre le 9 et le 12 juin. (in Lettre ouverte au Président de la République. 13 juin 2001) (17)

(.) Détails des faits : (La goutte qui a fait déborder le vase).
Dans la soirée du samedi 9 juin 2001, un militaire a provoqué des jeunes de certains quartiers de la ville en allant opportuner une jeune fille. Et ce n’est pas la première fois que les militaires du centre d’instruction de Khenchela se comportent ainsi envers les filles. Ce comportement a provoqué le courroux de certains jeunes qui habitent le quartier populaire où se trouvent de nombreux locaux commerciaux. Et c’est ainsi qu’éclata une altercation entre les jeunes et le militaire. Des gens sages du quartier séparèrent les protagonistes et l’incident semblait clos. Quelques instants plus tard le militaire revint avec ses compagnons de la caserne et se mirent à agresser toutes les personnes se trouvant sur leur chemin. Non contents de cette expédition, le militaire et ses compagnons revinrent le lendemain. Les jeunes du quartier étaient alors décidés à en découdre avec eux. Ils tabassèrent violemment les militaires et saccagèrent le véhicule (de type Mercédès) de leur compagnon. Sans l’intervention d’habitants âgés et sages, les militaires auraient été tous tués.

Le lendemain, un groupe de jeunes citoyens décida d’aller voir le Wali pour l’informer de la gravité de la situation. Ce dernier, comme d’habitude, refusa de les recevoir, comptant toujours sur ses adjoints qui ne lui transmettent que les tromperies du milieu qui impose sa loi à Khenchela. Ce refus fut l’étincelle qui déclencha les émeutes. C’est ainsi que furent saccagés et brûlés la plupart des édifices publics. Des policiers et les brigades anti-émeutes intervinrent mais ne purent contenir la masse de manifestants en colère qui se déversait dans les rues par les grenades lacrymogènes. Ces événements durèrent pratiquement 48 heures sans interruption.

Au lendemain des émeutes et dans la soirée, le wali finira par recevoir une délégation de manifestants et leur fera des promesses sans consistance, ce qui provoqua à nouveau le courroux des manifestants qui se remirent à saccager et à brûler tout ce qu’ils trouvaient sur leur chemin. Les commerces étaient fermés et les marchés paralysés. Il n’y avait dans la ville que des colonnes de fumée qui s’élevaient dans le ciel et l’odeur des grenades lacrymogènes.

Après cette catastrophe, le parti Nahda, comme à ses habitudes, publia un communiqué dénonçant la représentation électorale frauduleuse. Puis certaines “personnalités” élues locales plus connues sous le terme de notables de Khenchela apparurent. Nous rejetons sur ces personnes toute la responsabilité de cette tragédie qui entraîna la mort de 3 personnes et plusieurs blessés, dont certains, dans un état grave. Ces personnes nous ont représentés comme ils ont voulu et qui n’ont pas bougé le petit doigt depuis leur participation aux élections et leur installation dans leurs fauteuils. Ils ne se consacrèrent qu’à courir derrière les intérêts personnels (avec preuves à l’appui). Ils ne descendent auprès du peuple qu’au moment des rendez-vous électoraux. A ce moment, quelques personnalités qui ont sucé le sang de Khenchela, vinrent illusionner le wali qu’ils pouvaient maîtriser la situation.

Le 12 juin à 13 heures, les jeunes ont organisé une marche pacifique, non encadrée et non autorisée, car ils savaient, par expérience, qu’ils ne pouvaient obtenir d’autorisation. (.).

—————————–

Références

1. Déclaration publique du Président Benyoucef Benkhedda, août 1962 in Etienne Mallarde. L’Algérie depuis. Editions La Table Ronde. 1975.
2. Mohamed Boudiaf. Où va l’Algérie ? Editions L’Etoile 1964.
3. Ferhat Abbas. L’indépendance confisquée. Editions Flammarion. 1984.
4. Abderrahmane Farès. La cruelle vérité. Editions Plon. 1982.
5. Hocine Aït Ahmed. Crimes et non-châtiment. Jeune Afrique Magazine. N° 37. Mai 1987.
6. Tahar Zbiri. ” Pourquoi j’ai voulu renverser Boumediène ” Propos recueillis par Yves-Guy Bergès. Le Figaro Magazine. 4 – 10 août 1969.
7. Mémoires du commandant Si Lakhdar Bouregaâ. Témoin de l’assassinat de la révolution. Editions Dar El Hikma. Alger. 2e édition. Mai 2000. En langue arabe.
8. Algeria-Watch. Site algérien des droits de l’Homme. Berlin. Juin 2001. http://www.algeria-watch.de/farticle/docu/pags_torture.htm
9. Amar Ouerdane. La question berbère dans le mouvement national algérien (1926 – 1980). Annexe 6. Editions Epigraphe/Editions Dar El Ijtihad. 1993.
10. Mohamed Benyahia. La conjuration au pouvoir. Editions Arcantère. 1988.
11. Oussedik Faouzi Ibn El Hachemi. Le Mouvement Islamique en Algérie. 1962-1988. Dar El Intifadha de diffusion et de distribution. Alger. 1992. En langue arabe.
12. Louisa Hanoune. Une autre voix pour l’Algérie. Entretiens avec Ghania Mouffok. La Découverte. 1996.
13. Coordination des Associations d’Enfants de Chouhada. Martyrs……Halte à la manipulation. Revue polycopiée. 1989.
14. Arezki Aït Larbi. Révélations d’un ancien détenu d’opinion. Témoignage. Hebdomadaire L’événement, n° 162. Semaine du 2 au 8 avril 1994.
15. Hocine Aït Ahmed. L’affaire Mécili. Editions La Découverte. 1989.
16. Rabha Attaf avec Antoinette Delafin. Il n’y a pas qu’Adjani qui se soit fait traiter de putain. Actuel. Décembre 1988.
17. Salah-Eddine Sidhoum. Archives personnelles. Droits de l’homme. 1988 – 2001
18. Mehdi Mohamed. Algeria-Watch. 1er juin 2001. http://www.algeria-watch.de/farticle/kabylie/mort_non_naturelle.htm

————————————————————————

Docteur Salah Eddine Sidhoum, chirurgien orthopédiste et militant des droits de l’homme, membre de Justitia Universalis, condamné pour « activités subversives » en février 1997 à 20 années de prison par contumace. Voir

Lettre ouverte à l’opinion publique

 


Fil RSS 2.0. Vous pouvez répondre, ou faire un trackback depuis votre site.

10 réponses:

  1. Blondell Yoders écrit:

    I absolutely love your blog and find a lot of your post’s to be exactly I’m looking for. can you offer guest writers to compose content for yourself? I wouldn’t mind composing a blog post or elaborating on a few of the topics you write with regards to here. Again, brilliant web site!

Laisser un commentaire

Des risions...risibles...li... |
Journaliste en herbe ... |
IMMOBILIER-MONTEREAU |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Fedasil WSP
| Buzz Annonce
| derrierelavitre